Epais et tordu

Il est difficile pour moi de faire ce billet tant j'apprécie Manu Larcenet. Mes sens s'éveillent, sa profondeur, sa noirceur et ses tonalités résonnent en moi, me touchent et avivent des zones sensibles. Il me semble le connaître un peu, l'artiste de la famille et en même temps il me surprend. Eh oui, j'ai lu le troisième opus de Blast, après Grasse carcasse et l'Apocalypse selon saint Jacky, voici La tête la première. Une putain de claque. Ambitieux et réussi, courageux aussi. Ce que l'on reçoit du coup est dérangeant et éprouvant. Dans ce troisième tome où la violence est encore plus prégnante, on poursuit le récit du protagoniste, Polza Mancini toujours entendu par deux policiers dans l'affaire d'un homicide. Au fil des pages, on entre de plain-pied dans la vie chaotique de cet homme obèse, ancien écrivain gastronomique devenu clochard à la suite du décès de son père. Il est en vérité un personnage complexe, marginal, torturé, marqué par ses expériences d'une vie extrêmement dure. Un homme solitaire, qui apprend, ermite vivant dans les bois, qui expérimente, lit, se fait des trips, crie, victime, qui bouffe, bouffe, boit et se noie dans cette spirale névrotique... jusqu'au blast, phénomène transcendantal. Et jusqu'à l'auto-mutilation et l'enfermement psychiatrique. Est-il un sage ou un fou, c'est à vous d'en décidez. Pour moi, c'est un génie.

Je crie au chef-d'oeuvre et je dis Encore !!


Blast 3ème tome, La tête la première, Manu Larcenet éd. Dargaud 22,90 €

Coup de Coeur pour Swamplandia

La famille Bigtree qui compte un père, le Chef, une mère célèbre dompteuse d'alligators, Hilola, une cadette, Ossie, un frère Kiwi et la dernière, la narratrice, Ava, gère un parc d'attractions qui jadis fut prestigieux et attirait les foules. Depuis la mort de sa star, le parc part en décrépitude. Secoué par cette disparition et par l'état de délabrement du site, chaque membre quitte le nid familial en empruntant des  voies aventureuses, obscures et parfois fantasmagoriques.

Avec une imagination débridée, cette odyssée initiatique aux allures de conte, aborde la perte de l'enfance avec pour décor, une Floride luxuriante et mystérieuse peuplée d'alligators et de fantômes.

Un vrai gros coup de coeur pour ce texte original qui parle de l'amour d'une fratrie, des transmissions consciente et inconsciente, de l'invisible et de la déperdition. Comment s'affranchir de sa peine ? Ici, le parti pris est le réalisme magique à  savoir le pouvoir créatif, poétique et fertile de l'esprit. Le résultat rappelle l'univers de Wes Anderson (la famille Tenenbaum ou Moonrise kingdom) mais également O'Brother des frères Coen ou Big fish de Tim Burton.

Indispensable de la rentrée !

Swamplandia, Karen Russell éd. Albin Michel 22,50 €

Nouveautés de Septembre en BABEL

Nouveautés de Septembre en 10/18

Enorme Coup de Coeur pour Home, un Roman Habité

"Tu vois ce que je veux dire ? Ne compte que sur toi-même. Tu es libre. Rien ni personne n'est obligé de te secourir à part toi. Sème dans ton propre jardin. Tu es jeune, tu es une femme, ce qui implique de sérieuses restrictions dans les deux cas, mais tu es aussi une personne. Ne laisse pas Lenore ni un petit ami insignifiant, et sûrement pas un médecin démoniaque, décider qui tu es. C'est ça, l'esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien au monde".


Etats-Unis. Fifties. A cette époque, ségrégation raciale et maccarthysme frappent tout le pays. Pieds nus, Franck Money, un noir américain s'enfuit d'un hôpital psychiatrique. Il n'est pas fou. On va vite comprendre qu'il a fait la guerre de Corée, le traumatisme se révèlant intense et violent. Il souhaite revenir chez lui, à Lotus, terres d'esclavage, pour ramener et s'occuper de sa soeur Cee qui vient de quitter le foyer familial. Jeune femme naïve livrée à elle-même, elle a trouvé un emploi à Atlanta, dans les beaux quartiers, chez un riche médecin qui expérimente sa cruelle folie...

Ce roman fluide et pénétrant met en scène des personnages blessés mais pas désespérés, confrontés à la violence  raciale de l'Amérique des années 50. Paradoxalement court et dense, subversif, il aborde les thèmes chers à l'auteur : racisme, eugénisme, politique, identité, émancipation. Toni Morrison fait ainsi résonner les voix de ceux qui en sont privés, avec beaucoup d'esprit et d'humanité.

Ce texte tranchant est un talisman. Dans son reflet, nous pouvons y voir l'âme d'une grande dame, première femme noire  lauréate du prix Nobel de littérature en 1993.

Deuxième gros coup de coeur !

Home, Toni Morrison éd. Christian Bourgois 17 €

Coup de Coeur pour les Voleurs

Lakdhar est un jeune marocain perdu, un jeune homme assez chouette. C'est même quelqu'un de bien parce qu'il s'instruit, étudie l'arabe, l'espagnol et apprend le français grâce à la cultissime Serie Noire. Il passe son temps à se languir de sa cousine aux formes si généreuses. Bien évidemment, il vacille et se fait prendre pour ensuite être chassé hors de chez lui. Humilié par les siens et récupéré par un religieux, cette pauvre âme se forme en se frottant à la dure réalité et se réfugie désormais dans la littérature. Le destin le rattrape rapidement et c'est un long périple qui va le faire voyager, de Tanger à Barcelone, villes touchées par la révolution et l'indignation.

Loin de l'écriture baroque de Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, ce roman plus terrien et contemporain, habilement humble, dresse à travers le regard naïf et sensible du narrateur, des portraits d'humanités sombres, en marge de la société, si intenses dans un contexte tout aussi bouillonnant. Un livre qu'on ne lâche plus grâce entre-autres à l'attachement porté à Lakdhar.

Incroyable et talentueux Mathias Enard, grand auteur capable de muer son style, sans se répéter, avec beaucoup d'acuité et de finesse.

Premier gros coup de coeur de la rentrée !

Rue des voleurs, Mathias Enard éd. Actes Sud 21,50 €

Nouveautés de Septembre en LGF

Nouveautés d'Août chez POINTS

Nouveautés d'Août en LGF

Nouveautés d'Août chez FOLIO

Nouveautés d'Août en BABEL

La Rentrée des Poches

Les synergies avec le grand format

À paraître le 16 août

-       Claire Keegan, Les trois lumières (10-18), pour la sortie de A travers les champs bleus
-       Richard Powers, Générosité (10-18) pour la sortie de Gains (Cherche Midi)
-       Thomas Vinau, Nos cheveux blanchiront avec nos yeux (10-18) pour la sortie de Ici, ça va (Alma)

A paraître à partir du 22 août
-       Claude Arnaud, Qu'as-tu fait de tes frères ? (Livre de poche, 22 août) à l'occasion de la parution de Brèves saisons au paradis (Grasset)
-       Christian Authier, Une belle époque (J'ai Lu, 22 août), pour la sortie de Une certaine fatigue (Stock)
-       Thierry Beinstingel, Retour aux mots sauvages (Livre de poche, 22 août), pour la sortie de Ils désertent (Fayard)
-       Julien Capron, Match retour (J'ai Lu, 22 août), pour la sortie de Trois fois le loyer
-       Philippe Claudel, L'enquête (Livre de poche, 22 août), pour la sortie de Parfums (Stock)
-       Céline Curiol, Exil intermédiaire (Babel, 22 août), pour la sortie de L'ardeur des pierres
-       Lionel Duroy, Le cahier de Turin (J'ai Lu, 22 août), pour la sortie de L'hiver des hommes (Julliard)
-       Laurent Gaudé, Ouragan (Babel, 22 août), pour la sortie de Pour seul cortège (Actes Sud)
-       Fabrice Humbert, La fortune de Sila (Livre de poche, 22 août), pour la sortie de Avant la chute (Le passage)
-       Claudie Hunzinger, Elles vivaient d'espoir (J'ai Lu, 22 août), pour la sortie de La survivance (Grasset)
-       Serge Joncour, L'homme qui ne savait pas dire non (J'ai Lu, 22 août), pour la sortie de L'amour sans le faire (Flammarion)
-       Fabienne Juhel, A l'angle du renard (Babel, 22 août), pour la sortie de Les oubliés de la lande (Rouergue)
-       Colombe Schneck, Une femme célèbre (J'ai Lu, 22 août), pour la sortie de La réparation (Grasset)
-       Tom McCarthy, Les cosmonautes au paradis (J'ai Lu, 29 août), pour la sortie de C
-       Pierre Szalowski, Le froid modifie la trajectoire des poissons (J'ai Lu, 29 août), pour la sortie de Mais qu'est-ce que tu fais là tout seul ? (Héloïse d'Ormesson)
-       Patrick Deville, Kampuchéa (Points, 30 août), pour la sortie de Peste et choléra (Seuil)
-       François Vallejo, L'incendie du Chiado (Points, 30 août), pour la sortie de Métamorphoses (Viviane Hamy)
-       Ferdinand von Schirach, pour la sortie de (Folio, 30 août) et Coupables (Gallimard)
-       Aravind Adiga, Les ombres de Kittur (10-18, 6 septembre), pour la sortie de Le dernier homme de la tour (Buchet-Chastel)
-       Eric Chevillard, Du hérisson (Minuit, «Double»), 6 septembre), pour la sortie de L'auteur et moi (Minuit)
Wajdi Mouawad, Ciels (Babel, 5 septembre), pour la sortie de Anima (Actes Sud)
-       Sylvie Ohayon, Papa was not a rolling stone (Pocket, 20 septembre), pour la sortie de Les bourgeoises (Robert Laffont)
-       Nedim Gürsel, Les filles d'Allah (Points, 20 septembre), pour la sortie de L'ange rouge


D'autres titres très attendus en poche
-       Retour à Killybegs de Sorj Chalandon (Livre de poche, 22 août)
-       Tout bouge autour de moi de Dany Laferrière  (Livre de poche, 22 août)
-       Tout, tout de suite de Morgan Sportès (Livre de poche, 22 août)
-       Freedom de Jonathan Franzen (Points, 23 août)
-       Sukkwan Island de David Vann (Folio, 30 août)
-       Dire son nom de Francisco Goldman, prix Femina étranger 2011 (10-18, 6 septembre)
-       Le cas Sneijder de Jean-Paul Dubois (Points, 13 septembre)
-       Sept histoires qui reviennent de loin de Jean-Christophe Rufin (Folio, 13 septembre)
-       IQ84, livres 1 et 2, de Haruki Mukarami (10-18, 20 septembre)


Sans oublier...
-       Le lynx de Sylvia Avallone, inédit (Liana Levi, «Piccolo», 22 août)
-       Hors champ de Sylvie Germain (Livre de poche, 22 août)
-       Rouler de Christian Oster (Points, 30 août)
-       Le dépaysement de Jean-Christophe Bailly, prix Décembre 2011 (Points, 20 septembre)

Sources : Livres Hebdo

This is The End

La mort et la dramaturgie obsèdent à tel point Laurent Gaudé qu'elles se retrouvent encore dans son dernier roman, Pour seul cortège. Après la version africaine (La mort du roi Tsongor), la version italienne (Le soleil des Scorta), voici la version babylonienne avec les dernières heures d'Alexandre en Inde.

Vous l'aurez compris, moi qui adore cet auteur, je suis restée indifférente à cette oeuvre dramatique malgré une écriture toujours aussi fervente et précise. Je pense que je ne l'ai pas appréciée car j'avais l'impression de lire une tragédie antique en prose, trop héroïque, trop historique même si l'auteur nous dit le contraire.

Pour celles et ceux qui aiment aller sur des territoires funèbres et passionnés, cet élégant péplum sera donc pour vous ! et pas pour moi !

Pour seul cortège, Laurent Gaudé éd. Actes Sud 18 €

Parution en Août

La Pluie après qu'elle ne Tombe

Fraîchement divorcée, notre héroïne décide de partir sur la route, affublée d'un enfant sourd en bas âge confiée par sa meilleure amie. Par la force des choses, la fugitive apprivoise cet enfant singulier qui se plie aisément à sa nouvelle vie. A travers ce pays bienfaisant, se dessine alors un road-movie décalé, aux rencontres fortuites et aux paysages d'une beauté délicate.
Si vous souhaitez un peu d'air réfrigérant et quelques gouttes de pluie pendant vos vacances estivales, ne manquez pas cette odyssée sensible ! Des écharpes, un bonnet, du saumon, une tasse de thé bien fumante, c'est comme si vous y étiez ! (avec en prime des recettes) Alors n'hésitez pas, à vous de parcourir cette traversée Kiss Cool !
Un de mes coups de coeur de la rentrée !

L'embellie, Audur Ava Olafsdottir éd. Zulma 22 €
Parution le 23/08/2012