mardi 29 mars 2011

Sur les Terres du Wyoming

Quelle agréable lecture qu'est Le signal de Ron Carlson. Rien d'extraordinaire mais j'ai passé un très bon moment. Ce récit est un western moderne avec un bon, pas complètement bon, une brute défoncée à la méthadone et un truand vraiment truand. Il s'agit d'un homme sortant de prison qui part en randonnée avec sa future ex-femme afin de dire adieu à cet amour passé. Mais la promenade dégénère vite en course poursuite, pour finir en drame. 
Ce roman comporte des imperfections, peut-être une fin un peu bâclée mais il n'en demeure pas moins qu'il se lit d'une traite. Dans ce récit, la précision et la profonde connaissance de cette région des montagnes sauvages s'avèrent remarquables. Des descriptions très lyriques et en même temps très maîtrisées de cette faune et de ces paysages magnifiques du Wyoming.
Un thriller aux tons clairs-obscurs, à ne surtout pas manquer, vous y trouverez suspense et inspiration !


Le signal, Ron Carlson, éd. Gallmeister 22 €

samedi 26 mars 2011

Ciel Nuageux en Angleterre



Je viens de finir le dernier roman de Ian McEwan qui s'intitule Solaire. Quelle horrible déception ! C'est un roman trop sophistiqué,  sans surprise, guindé et froid, sans fantaisie, dénué de toute saveur. Mais je vais quand même vous raconter, chers lecteurs et chères lectrices, de quoi il retourne.
Michael Beard, la cinquantaine a obtenu il y a quelques années le prix de Nobel de physique. Se reposant sur ses acquis, il mène une vie de faussaire en substituant à un jeune ingénieur  un projet utilisant le photovoltaïque pour fournir aux anglais, une énergie propre alors que ce secteur l'indiffère. Sa vie sentimentale semble tout aussi fluctuante, jaloux et infidèle, Beard cumule les divorces. Un anti-héros sympathique par certains côtés, car ridicule dans quelques situations cocasses, et par d'autres côtés, désobligeant pour son arrogance et son narcissisme. Un peu à l'image de son génial créateur qui pour ce roman, tombe dans un bavardage à mourir d'ennui, sur un sujet qui nous intéresse sans doute tous, les énergies renouvelables, l'avenir de notre planète, etc... mais qui semble trop répétitif et trop spécifique. Bon, ce personnage n'a que faire de ce catastrophisme ambiant,  maudit la surenchère du discours écologique : à contre-courant, c'est cynique et c'est tant mieux. Voici, un passage :


"Et il (Beard) ne se laissait pas impressionner par certains commentaires délirants selon lesquels le monde serait en "péril", l'humanité courrait à sa perte, les villes côtières disparaîtraient sous les vagues, les récoltes diminueraient, et des centaine de millions de réfugiés erreraient d'un pays ou d'un continent à l'autre, chassés par la sécheresse, les inondations, la famine, les cyclones, les guerres incessantes causées par la diminution des ressources. Cet écho des fléaux de l'Ancien Testament, avec ses pestes et ses pluies de grenouilles, illustrait une profonde tendance, réactivée au fil des siècles, à croire que la planète vivait ses derniers jours, que la fin de chacun était liée de manière imminente à celle du monde, ce qui la chargeait de sens, ou la rendait un peu moins absurde. L'apocalypse n'était jamais pour aujourd'hui, où l'on aurait pu démasquer l'imposture, mais toujours pour demain et, quand elle n'arrivait pas, une nouvelle menace, une nouvelle date avaient tôt fait de la remplacer. Le vieux monde purifié par une violence incendiaire, lavé dans le sang des pécheurs, telle était la vision des sectes chrétiennes millénaristes : mort aux infidèles ! Celle, aussi, des communistes soviétiques : mort aux koulaks ! Et celles des nazis pour le Reich millénaire : mort aux juifs ! Et, enfin, l'équivalent démocratique contemporain, la guerre nucléaire planétaire : mort au monde entier ! Quand celle-ci n'eut pas lieu, après l'effondrement de l'empire soviétique dévoré par ses contradictions internes, et en l'absence de problème d'envergure autre qu'une pauvreté mondiale, irrémédiable et ennuyeuse, la tendance apocalyptique accoucha d'un nouveau monstre." 


Mais quand, le discours universitaire domine, l'érudition fuse, on s'emmerde ! McEwan est dans la démonstration de son immense talent et devrait être plus humble ! Cette satire féroce du milieu universitaire scientifique, pompeux et hiérarchisé incarné à travers le personnage de Beard, m'a plongé dans une extrême lassitude. A vous de juger...
Préférez le plus drôle et le plus pertinent livre de Jonathan Coe, autre grand auteur  anglais qui a pour titre, La vie très privée de M. Sim, éd. Gallimard 22 €


Solaire, Ian McEwan, éd. Gallimard 21,50 €


Vous aimerez peut-être : 
Les guerres du climat Pourquoi on tue au XXIe siècle, Harald Welzer (traduit de l'allemand), éd. NRF Essais Gallimard 24,50 € ou comment l'humanité s'effondrera à cause de la pénurie des ressources, des droits de l'eau, des conflits violents liés au climat.

L'écologie en bas de chez moi, Igor Gran, éd. P.O.L 15,50 €, un pamphlet sur les dérives marketing du discours sur l'écologie. Je vous donne un avant-goût en citant l'auteur, dans une note de bas de page : "Rappelons que dans sa vie antérieure, Yann Arthus-Bertrand a été pendant dix ans photographe-reporter du Paris-Dakar. Etonnante reconversion. Les voies du gazole sont impénétrables".

mardi 22 mars 2011

Rencontre avec Gallmeister, l'éditeur des Grands Espaces américains

En ce lendemain de l'arrivée du Printemps, je suis ravie de vous présenter l'un des romans de l'éditeur Gallmeister. Celui-là même avec lequel j'ai passé cette après-midi ensoleillée, autour d'un bon café, très noir le café comme le sont ses livres. Un artisant passionné et passionnant, pêcheur à la mouche. 
Son choix éditorial porte sur la littérature américaine et plus précisément sur ce que l'on appelle le Nature Writing. Un style qui repose sur la description des grands espaces américains. La nature éprouve l'homme en  le mettant face aux conditions quelquefois extrêmes. Nous pouvons citer Rick Bass, Jack London, Henry David Thoreau, John Krakaeur, Brautigan dans un autre genre.
Mais parlons de cet ouvrage magnifique qu'est Sukkwan Island de David Vann.
Afin de se retrouver, Jim décide d’emmener son fils de 13 ans sur les lieux de son enfance, sur une île au sud de l’Alaska, pendant une année. Ces deux êtres accomplissent un retour aux sources, font face aux éléments. Une vie en accord avec l’environnement, sans consumérisme.
Leurs journées sont consacrées à chasser et à pêcher... Mais l’hiver approche, et la difficulté est telle que les deux hommes doutent. Jim s’affaiblit, perd son bon sens devant un fils qui lui, essaie de garder toute sa lucidité. Ce séjour devient vite cauchemardesque. La tension monte, la nature apparaît hostile, écorche, menace, l’horrible se produit.
Un livre fulgurant, noir et profond qui vient d’obtenir le Prix Médicis Etranger.
Un électrochoc, un chef-d’oeuvre !

Sukkwan Island, David Vann, éd. Gallmeister 21,70 €

jeudi 17 mars 2011

Secret de Famille au Danemark

Salon du livre oblige, parlons de littérature scandinave et plus précisément d'un roman danois qui s'intitule L'art de pleurer en choeur. Son auteur, Erling Jepsen sera présent au salon le 20 mars au stand des éditions Sabine Wespieser, le 21 mars, au stand Lettre Nordique et le même jour, il donnera une conférence sur le thème "Secrets de famille".
Années 60. Une famille modeste dans une petite ville au Danemark. Allan, 11 ans, se sent responsable du bien-être de sa famille et notamment de son père. Celui-ci qu'il vénère plus que tout se montre psychiquement fragile , et semble particulièrement doué pour les oraisons funèbres. Conscient de ce talent, notre jeune narrateur à l'imagination fertile envisage grâce à la prière (à l'archange Gabriel et le non moins profane Tarzan) d'augmenter le nombre de décès. La chose se produit. La famille voit la fréquentation de sa supérette décuplée, acquiert enfin Respectabilité et Considération, de quoi redonner sourire au patriarche. Mais ce bonheur apparent sera de courte durée car la famille cache un lourd secret.
L'un des intérêts de cet ouvrage, sa force et son originalité, réside dans le choix du registre qui se veut léger, quelquefois loufoque, contrastant avec le drame qui se joue sous nos yeux écarquillés. Un livre qui n'est pas sans rappeler les films du danois Vinterberg, Festen et du belge Van Groeningen, La Mertitude des choses.
A vous de vous faire un avis en découvrant ce récit intéressant, troublant et surréaliste.

L'art de pleurer en choeur, Erling Jepsen, éd. LGF 6,50 €
La mertitude des choses, Dimitri Verhulst éd. Denoël et d'ailleurs 18 €

dimanche 13 mars 2011

Un autre Regard sur le Japon


Ma première découverte de Murakami (Ryu et non pas Haruki, l'autre Murakami) fut par la lecture des Bébés de la consigne automatique. Puis, je n’ai eu de cesse d’aimer ses romans, des récits noirs, décalés et dévastateurs.

Murakami est l’auteur de la contre-culture japonaise, sensible aux marginaux, et attentif à la déliquescence de la jeunesse.
Amateurs de Beat Génération, je vous invite à apprécier l’univers déroutant de cet écrivain révélateur d’un Japon peu connu, peu conventionnel.
Rentrez en résistance en lisant cet écrivain proche de Bret Easton Ellis ou de Hubert Selby Junior.

Les bébés de la consigne automatique, Ryu Murakami, éd. Picquier 10,50 €
Bleu presque transparent, éd. Picuier 6,50 €
Miso soup, éd. Picquier 7 €

samedi 12 mars 2011

Echappées belles dans les Pays Nordiques

Vous avez plebiscité Désirée et Benny dans Le mec de la tombe d'à côté
Vous avez trouvé géniale la construction. Deux voix, une par chapitre, celle d’une bibliothécaire et celle d’un agriculteur qu’un cimetière  réunira.
Vous avez apprécié le suspens.
Vous n'en pouviez plus de cette histoire absolument drôle, tendre et contemporaine sur les différences culturelles et les non-dits au pays des Krisprolls.
Alors, vous vous êtes précipité sur la suite qui vient de paraître.
ENORME ERREUR ! faites-vous rembourser par votre libraire, Le caveau de famille n'est pas digne du premier volet !
Désirée en cloque de trois mômes. La vie de famille à la ferme, avec un Benny insipide qui travaille tant et plus... Aucune surprise, des longueurs et des soupirs.
Décollez pour la norvège et préférez l'épopée familiale des Neshov dans La terre des mensonges, paru en 10/18.
Au moins des zones de turbulences et des frémissements accompagneront votre voyage.

Le mec de la tombe d'à côté, Katarina Mazetti, éd. babel 7,50 €
La terre des mensonges, Anne B. Ragde, éd. 10/18  8,20 €

Le Patrimoine français, le fonds Gallimard

Bientôt le centenaire des prestigieuses éditions Gallimard. Fêtons ensemble cet anniversaire avec deux titres, Les coups de Jean Meckert et Au bonheur des ogres de Daniel Pennac parus d'abord dans la collection Blanche puis, dans un second temps, en folio.
Jean Meckert met en lumière l’injustice de la condition du monde ouvrier et de la violence que provoque l’enfermement de cette classe sociale. Il ne juge pas. Il analyse les causes de la montée de cette brutalité au sein du couple, l’incapacité à s’exprimer et, le mépris de la belle famille pour ce gendre. Celle-là même qui incarne la petite bourgeoisie, qu’aimerait bien avoir l’air mais qui n’a pas l’air du tout et pour qui, l’intelligence repose sur un certain goût et sur des conventions qui lui sont propres. Ce roman à l’écriture sèche et au langage familier désarme par ce qu’il dénonce, une vie étriquée et désespérée.
Les coups de Meckert est un très très grand roman.
Poursuivons notre promenade avec le plus enjoué Au bonheur des ogres...
Illustrations de Tardi
J’ai une tendresse toute particulière pour ce livre peuplé de personnages si attachants et si farfelus. Il est impossible de ne pas rire, de ne pas s’émouvoir à la lecture de ce roman qui met en scène la tribu Malaussène avec à sa tête le non moins célèbre Benjamin ! Un personnage atypique à l’image de son emploi de bouc émissaire professionnel. Intrigues, drôleries et coups de théâtre rythment la folle cadence de cette saga.
Un roman inventif et jubilatoire devenu culte !


Les coups, Jean Meckert, éd. Folio 6,20 €
Au bonheur des ogres, Daniel Pennac, éd. Folio 6,20 €

Promenade sur le Rivage...

Comment ne pas adorer ce roman qui s’avère d’une grande profondeur et d’une force narrative incroyable. Deux tonalités, celles de Florence et d’Edward pour rendre compte du malaise des deux protagonistes, le soir de leur nuit de noces et plus tard, quand l’auteur revient sur leurs parcours. Au début, on rit, puis, rapidement, on rit jaune pour enfin ne plus rire du tout. 
McEwan photographie ce moment très court, révélateur d’une ambiguïté. Cet instant où tout bascule, où ce jeune couple s’interroge brisé notamment par cette Angleterre puritaine des années 60. Il est trop tard lorsque vient le temps des regrets.
Une lecture dérangeante pour les sujets abordés à savoir la nostalgie, les échecs.
Un livre touchant pour sa sensibilité, son intelligence et sa lucidité.
Un roman infiniment humain parce que ses personnages nous ressemblent, des êtres avec leurs faiblesses et leurs failles.

Sur la plage de Chesil, Ian McEwan, éd. Folio 6,20 €